La syphilis est une maladie infectieuse sexuellement transmissible, due à un spirochète "Treponema pallidum" (bactérie hélicoïdale mobile en vrille).
Connue en Europe depuis la fin du XVème siècle sous des dénominations diverses : la "grande vérole", "mal de Naples" ou "mal des Francs" (selon où on se localise d'un coté ou de l'autre des frontières), a été responsable de grandes épidémies surtout pendants les guerres.
Elle est encore une maladie d'actualité qui évolue de part le monde par vagues de recrudescence plus ou moins influencées par les données socioculturelles telles la disparition du tabou de la sexualité, l'usage des contraceptifs, l'homosexualité, le développement du tourisme, l'avènement du SIDA .
Elle se caractérise :
par sa très grande contagiosité,
son polymorphisme clinique,
les difficultés parfois rencontrées dans l'interprétation de ses réactions sérologiques,
sa longue évolution avec la possibilité de complications graves (cardio-vasculaires et neurologiques)
et la transmission au ftus par voie transplacentaire.
La guérison est assurée rapidement et sûrement, par la pénicilline qui en a transformé le pronostic.
incubation |
Syphilis précoce |
floride |
Syphilis latente |
Syphilis tertiaire |
Muette 3 semaines |
Chancre : syphilis primaire cutanée
ou muqueuse 6 à 8 semaines |
Syphilis secondaire cutaneo-muqueuse
et viscérale 18 mois à 2 ans |
Asymptomatique Sérologique 3 à 10 ans |
Cutaneo-muqueuse Viscérale, durée indéfinie Cardio-vasculaire Neuro-syphilis 10% des cas non traités |
Inoculation du Treponème pale
Incubation (3 semaines)
Réponse cellulaire : infiltrat périvasculaire (lympho, plasmo, PNN, macrophages) + vascularite oblitérante des petits vaisseaux (locale)
Chancre
syphilis primaire
Dissémination lymphatique et hématogène (transplacentaire)
Réponse humorale : formation d'anticorps et de cic
Atteinte vasculaire systémique : cutanée, rénale, articulaire
syphilis secondaire
Stabilisation réponse humorale, développement immunité cellulaire
Syphilis latente
Persistance du tréponème dans certains site (il, cerveau, aorte )
Stimulation antigénique prolongée persistante
Réaction d'hypersensibilité retardée + vasculite granulomateuse
Lésions cutanées, cardio-vasculaires, neurologiques
Syphilis tertiaire
Contamination presque toujours vénérienne (MST). Incubation : environ trois semaines . Ce délai peut rarement être plus court, en particulier s'il y a une porte d'entrée préalable (herpès).
Le chancre et l'adénopathie constituent le complexe primaire.
Siège généralement aux organes génitaux externes (sillon balano-prépucial). C'est une érosion superficielle rarement profonde à bords nets, arrondie ou ovalaire de O,5 à 1 cm de diamètre.
Deux caractères sont importants :
- L'indolence : le chancre est indolore aussi bien spontanément qu'à la pression, ce qui explique l'insouciance de certains patients et le retard de consultation.
- L'infiltration : le chancre est infiltré à sa base donnant une consistance "cartonnée" lors de la palpation protégée entre pouce et index. On dit qu'il a "une consistance cartilagineuse".
Cette induration épouse les limites visibles de l'érosion ne dépassant pas les bords de la lésion, pas d'inflammation ou d'infiltration péri lésionnelle.
La couleur du chancre est rouge comparée à la "chaire musculaire". Il n'y a pas en général de surinfection, pas de pus, parfois une petite transsudation, pas de croûte.
Quatre à huit jours après le chancre.
Le chancre s'accompagne d'une façon constante d'une adénopathie homo-contro ou bilatérale. L'adénopathie est obligatoire.
"L'adénopathie suit le chancre comme l'ombre suit le corps" disait Ricord
"L'adénopathie vaut mieux que le chancre lui-même" disait Fournier.
Elle est faite de plusieurs ganglions dont un est souvent plus gros que les autres. On l'appelle le ganglion directeur ou "le préfet de l'aine". Elle est d'une dureté ligneuse sans périadénite.
a) Variantes séméiologiques du chancre :
b) Formes topographiques :
"La Syphilis est une graine bonne pour tout terrain qui peut germer là où le hasard l'a déposé" Fournier.
Autant de forme topographique que de possibilités de siège d'inoculation du tréponème.
Chez l'homme :
Chez la femme :
Le chancre passe souvent inaperçu et la maladie n'est révélée que lors de la floraison de la syphilis secondaire.
Chancres extra-génitaux :
1. L'amygdale : trompeur (diagnostic différentiel angine de Vincent). L'amygdale est tuméfiée, rouge framboisée, indurée (amygdale de bois), douloureuse. Le chancre est ulcéreux, infiltrant. Adénopathie sous-angulo-maxillaire. Ce qui frappe c'est l'induration, l'unilatéralité de l'ulcération, la durée anormale de l'amygdalite.
2. Langue : simple érosion ou le plus souvent ulcération fissuraire et indurée.
3. Lèvres : mi-érosif mi-ulcéreux prend le caractère du chancre génital au niveau du versant muqueux labial et le caractère ulcéro-croûteux au niveau du versant cutané.
4. Mamelon : érosif, adénopathie axillaire.
5. Anal : fissuraire et douloureux : souvent pris pour une fissure anale et opéré à tort.
6. Rectal : profond, douloureux avec émission de glaires sanguinolentes de diagnostic difficile (rectoscopie).
7. Doigts : simule un panaris : douleur lancinante. Adénopathie épitrochléenne ou axillaire.
a) Diagnostic différentiel :
En plus des diagnostics différentiel discutés dans les formes topographiques, il faut également éliminer :
- l'herpès : douloureux, vésiculeux en bouquet, récurrents.
- carcinome spino-cellulaire : évolution plus longue, l'infiltration qui dépasse les limites de l'ulcération.
- chancre scabieux : prurigineux, lésions de gale associées sur le reste de la peau.
- aphtes : généralement multiples, douloureux et inflammatoire, récidivants.
- agent causal : Haemophilus ducreyi,
- incubation plus courte : 2 à 5 jours,
C'est une ulcération, douloureuse à fond sanieux inflammatoire, accompagnée d'une adénopathie sensible inflammatoire pouvant suppurer et fistuliser, il est souvent multiple, auto-inoculable.
lymphogranulomatose inguinale ou maladie de NICOLAS-FAVRE :
- agent : chlamydia trachomatis,
- incubation : 10 à 30 jours,
- le chancre est minime (micro-chancre) passant souvent inaperçu, surtout chez la femme,
- le symptôme principal est l'adénopathie unilatérale inflammatoire se fistulisant en "pomme d'arrosoir".
le granulome inguinal = la donovanose :
- rare,
- régions tropicales ou sub-tropicales,
- agent : Calymatobactérium granulomatis (genre de Klebsielle),
- ulcération ovalaire, granulomateuse de la verge ou de la vulve, unique ou multiple,
- pas d'adénopathie
Toutes ces lésions peuvent être des portes d'entrée au tréponème.
b) Diagnostic biologique :
Recherche de tréponème sur la lésion : on racle par un vaccinostyle le fond du chancre examen au microscope à fond noir. On peut également examiner le liquide de ponction ganglionnaire :
faux (+) cavités buccales (tréponèmes saprophytes).
- Les réactions cardiolipidiques : detectent des anticorps appelés réagines avec un antigène cardiolipidique extrait du cur du buf. C'est le VDRL (Veneral Disease Research Laboratory), (non spécifique : fausses réactions positives : infections, lupus, grossesse ).
- Les réactions tréponèmiques : utilisent comme antigène le tréponème pale tué ou vivant (réactions spécifiques) : on distingue;
. le FTA (Fluorescent Treponema Antibody), réaction d'immunofluorescence indirecte.
. le TPHA (Treponema Pallidum Hemagglutination Assay), technique d'hémagglutination très sensible.
. le test de Nelson : test d'immobilisation des tréponèmes vivant de spécificité absolu mais couteux et de positivité tardive.
les réactions sérologiques ne se positivent pas dès le début du chancre et il existe une période présérologique. Le FTA est le premier à se positiver 5 à 6 jours après le début du chancre, puis le TPHA au 8ème jour et enfin le VDRL entre le 10ème et le 20ème jour.
5. Evolution du complexe primaire
Bien traitée ® guérison du chancre, l'adénopathie disparaît un peu plus tard.
Non traitée ® disparition du chancre au bout de 3 à 5 semaines et à partir de la guérison du chancre, on a 1 laps de temps de 1 à 2 semaines jusqu'au 2ème mois où commence la syphilis secondaire (2ème incubation de la syphilis).
Les lésions de la syphilis secondaire sont polymorphes, disséminées et très contagieuses. Elle évolue par vagues et comporte des signes cutanéo-muqueux, viscéraux et généraux.
Ce polymorphisme et la diffusion des lésions font de la syphilis secondaire la "grande simulatrice" (peuvent simuler toute la dermatologie),
"les manifestations secondaires de la syphilis sont plus vexatoires que grave" Fournier.
Début : 2ème mois.
A/ La première floraison : 9è semaine - 4è mois :
1. La Roséole:
Petites taches rosées à peine visibles qui se disposent en stries, couleur rose "fleurs de pêcher". Sans prurit ni desquamation. Siège préférentiel le tronc : poitrine, dos, flancs et cou, respectant classiquement la face et les extrémités.
Ces taches ne présentent aucune infiltration et s'effacent à la vitropression. Quand elles guérissent, elles laissent parfois des séquelles leuco-mélanodermiques, en particulier au niveau de la partie haute du thorax chez la femme dessinant le "collier de venus".
La roséole disparaît au bout de 4 à 5 semaines, juste après survient une alopécie intéressant particulièrement les régions temporo-occipitales dites en "clairière", elle serait la conséquence d'une roséole du cuir chevelu.
Diagnostic différentiel : Pityriasis rosé de Gibert, toxidermie, roséole viral, roséole infectieuse ( typhoïde)... .
2. Les plaques muqueuses :
Ce sont des érosions superficielles intéressant les muqueuses, arrondies ou ovalaires, à limite nette souples, non indurées et indolentes. Ces lésions fourmillent de tréponèmes et sont donc hautement contagieuses. Selon leur siège, elles prennent un aspect plus particulier :
- au niveau des commissures labiales simulant une perlèche,
- au niveau de la langue : ce sont "les plaques fauchées" arrondies et dépapillées,
- sur la gorge : ces plaques s'éparpillent sur les piliers, la luette et les amygdales,
- larynx : elles déterminent une laryngite syphilitique ® voix rauque, enrouée.
Ces plaques atteignent aussi les muqueuses génitales, anales, conjonctivales, nasales.
A mesure que les plaques muqueuses vieillissent, elles deviennent végétantes et se couvrent d'un enduit opalin grisâtre (posant un diagnostic différentiel avec les condylomes accuminés).
Diagnostic différentiel: les plaques muqueuses doivent être distinguées de la langue géographique, des érosions post traumatiques, post bulleuses et post herpétiques, des aphtes, des lésions porcelainiques et érosives du lichen plan, de l'érythème polymorphe... .
B/ La 2ème floraison 4è mois - 12 mois :
Les syphilides papuleuses:
L'aspect le plus typique est celui des syphilides papulo-squameuses : papules lenticulaires (3 à 10 mm de diamètre infiltrées, de couleur rouge cuivré, recouvertes de fines squames sèches et entourées d'un liséré squameux : la "collerette de Biett".
Siège de prédilection : les régions palmo-plantaires et péri-orificielles (périnée, sillon naso-génien).
Deux caractères sont importants :
- l'induration à la palpation : les lésions "ont du corps",
- l'absence de prurit
Cette éruption évolue par poussées successives (d'où la coexistence d'éléments d'âge différent) et disparaît spontanément en plusieurs mois en laissant des macules pigmentées.
Les formes cliniques : la syphilis secondaire est une grande simulatrice :
1. Au visage, dans les plis naso-géniens, région péribuccale, les syphilides ont un aspect séborrhéiques, recouvertes de squames grasses. Elles sont groupées, arciformes (syphilides élégantes).
2. Syphilides psoriasiformes : recouvertes de squamules blanchâtres.
3. Syphilides impétigineux ou impétigoïde avec croûtelles jaunâtres.
4. Syphilides lichénoïdes
5. Syphilides ulcéreuses et bulleuses (syphilis maligne : SIDA)
6. Syphilides acnéiformes, varioliformes ...
7. Syphilis érosives ou papulo-érosives (plis et régions ano-génitales), prennent parfois un aspect végétant dans les plis, favorisés par la macération posant un diagnostic différentiel avec un pemphigus végétant.
C/ Manifestations générales de Syphilis secondaire :
- fièvre, fébricules à 38°
- céphalée tenace (méningite latente),
- plyadénopathies (surtout cervicales et épitrochléennes),
- splénomegalie et hépatomegalie avec perturbation du bilan hépatique et ictère,
- douleurs osseuses, atteinte rénale avec une glomérulonéphrite....
D/ Diagnostic :
Toutes les réactions sérologiques sont positives à des taux élevés. Mise en évidence du tréponème sur les lésions au microscope à fond noir.
E/ Evolution des lésions de la syphilis secondaires
Le traitement assure la guérison totale et définitive. Sinon, après une période de latence asymptomatique de 3 à 10 an, peuvent apparaître les manifestations de la syphilis tertiaires, celles-ci ne surviennent pas obligatoirement, mais seulement dans une proportion de 10 % des cas non traités, les autres cas restant définitivement séropositifs sans la moindre manifestation clinique cutanée ou viscérale.
Période asymptomatique
souvent décelée à l'occasion d'un examen sérologique de
routine (prénuptial, prénatal, d'embauche
), la
positivité sérologique contrôlée par plusieurs réactions,
doit entraîner un examen général pour éliminer, avant tout
une atteinte neurologique (ponction lombaire) ou
cardio-vasculaire (radiographie thoracique).
Survient vers la 3ème année. Elle est devenue exceptionnelle. Elle se manifeste par des lésions localisées mais profondes et destructrices.
Les manifestations cutanéo-muqueuses
Les gommes : représentent les manifestations cutanéo-muqueuses, ce sont des formations infiltrées, dermohypodermiques, initialement fermes puis se ramollissent et s'ulcèrent, laissant sourdre une sérosité gommeuse avant la cicatrisation.
Les gommes peuvent donner des hémorragies quand elles érodent un vaisseaux ou des névralgies ou des paralysies quand elles compriment un nerf.
Peuvent conduire à la perforation du voile du palais : voix nasonée, reflux des aliments par le nez.
Une destruction des os propres du nez ® effondrement du nez...
Leucoplasie : plaque blanchâtre infiltrée, infiltration de la muqueuse buccale surtout dans les régions juxtacommissurales ® précancéreux carcinomes spino-cellulaires.
Langue: langue scléro-gommeuse: langue infiltrée, capitonnée qui perd sa souplesse.
Manifestations viscérales : de nos jours, exceptionnelles :
Atteinte osseuses : épaississement périosté : tibia en lame de sabre, lacunes des os du crâne.
SNC : tabès - paralysies générale (P.G)
Cardio-vasculaire : aortite syphilitique - anévrisme aortique.
Diagnostic :
Le VDRL peut se négativer.
TPHA et FTA + à des taux faibles,
Le test de Nelson (+), c'est l'examen de référence à ce stade.
Survient chez un enfant né d'une mère présentant une syphilis active, la syphilis se transmet à partir du 4ème mois de la grossesse.
- Kératite
- Surdité
- Anomalie dentaire : dents en tournevis.
Le diagnostic de syphilis congénitale est basé sur la notion de syphilis chez la mère et sur les tests sérologiques (FTA - IgM).
La Pénicilline parentérale représente le traitement de choix de la Syphilis à tous ses stades,
1. Syphilis précoce (primo-secondaire) :
protocole O.M.S.
- Inj. IM unique de benzathine penicilline : Extencilline* 2,4 MU
ou 2 inj. à 1 sem. d'intervalle
- les cyclines ne sont justifiées qu'en cas d'allergie bien documentée à la pénicilline, 2 g par jour, doxycycline 200mg / j x 15 j
- l'Eythromycine 2g / j x 15 j ou la ceftriaxone 250 mg en IM x 10 j, qu'en cas d'allergie à la Pénicilline et d'intolérance ou de contre indication aux Cyclines (femme enceinte, enfants).
2. Syphilis tardive:
2,4 M d'extencilline par semaine x 3 et surveillance sérologique.
Allergie : cycline ou erythromycine 2 g / j pendant 30 jours.
Réaction de Jarish Herxheimer : libération brutale de matériel antigènique (fièvre, céphalées, myalgies) (Syphilis active) : Prévention par une courte corticothérapie générale (0.5 mg / kg / j pendant 3 jours) mais discutée
3. Neuro syphilis, syphilis chez un immunodéprimé (SIDA)
16 à 20 M IV Pénicilline G 10 - 15 jours
La syphilis, maladie historique, demeure toujours d'actualité.
Elle pose parfois des difficultés diagnostiques vu son polymorphisme clinique : il faudrait toujours l'avoir à l'esprit et demander les réactions sérologiques qui permettent de confirmer, le diagnostic.
Les formes latentes sont actuellement les plus fréquentes et pose des problèmes d'interprétation sérologiques et des problèmes de prise en charge.
Le traitement est bien codifié et repose sur la pénicilline.
La syphilis est une MST qui peut en cacher d'autres : penser à rechercher systématiquement les autres MST devant un cas de syphilis notamment le SIDA (test HIV).
Remarques et commentaires : Dr DENGUEZLI