TUMEURS CUTANEES MALIGNES

Sommaire

ETATS PRE-CARCINOMATEUX
Xéroderma pigmentosum
CARCINOMES BASO-CELLULAIRES
CARCINOMES SPINO-CELLULAIRES
MALADIE DE PAGET
Maladie de Bowen
TUMEURS MESENCHYMATEUSES MALIGNES
LES MELANOMES
MALADIE DE KAPOSI

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I. DERMATOSES PRECANCEREUSES : ETATS PRE-CARCINOMATEUX

A/ Lésions pré-carcinomateuses

A.1. Kératose actinique ou kératose sénile :

Les kératoses actiniques ou solaires sont les lésions précarcinomateuses les plus fréquentes. Elles sont secondaires à l'exposition solaire chronique chez des sujets prédisposés à la peau claire. Se voient chez les sujets âgés exposés au grand air (paysans, marins...) sur les parties découvertes : face, dos des mains. Se manifestent par des petites taches kératosiques, de couleur jaunâtre. L'hyperkératose est parfois très exubérantes formant une corne cutanée. Les lésions sont souvent nombreuses, doivent être surveillées et traitées par chirurgie, électrocoagulation, cryothérapie ou antimitotiques locaux (5 Fluorouracil) car elles se transforment au bout de quelques années d'évolution en carcinome baso ou spino-cellulaires.

A.2. Leucoplasie des muqueuses :

C'est une leucokératose se développant sur les muqueuses buccales, labiales ou génitales réalisant une lésion blanche porcelainée rugueuse, épaisse donnant à la muqueuse un aspect parqueté. Au niveau de la bouche, la leucoplasie intéresse particulièrement la zone juxta-commissurale. L'examen anatomo-pathologique s'impose pour saisir à temps la dégénérescence, celle-ci s'exprime par une tendance à l'ulcération. Toute leucoplasie doit être surveillée et détruite au besoin car la transformation en carcinome spino-cellulaire reste à redouter.

Etiologies : autrefois syphilis, actuellement : tabac, soleil, irritations chroniques sont à l'origine de leucoplasie.

A.3. Radiodermite :

Essentiellement dans sa forme chronique survenant plusieurs années après l'irradiation. Réalise une plaque scléro-atrophique pigmentée et télangiectasique sur laquelle ne tarde pas à survenir un cancer cutané. Les radiodermites professionnelles ou thérapeutiques doivent être surveillées.

A.4. Les états scléro-atrophiques vulvaires :

Donnent à la muqueuse un aspect pâle, blanchâtre lisse et atrophique s'exprimant sur le plan clinique par un prurit chronique et persistant et par une dyspareunie. Ces lésions qui peuvent être améliorées par des frictions aux corticoïdes et aux androgènes doivent être régulièrement surveillées car peuvent se transformer.

B/ Etats favorisant l'éclosion des carcinomes :

B.1. Xéroderma pigmentosum :

Maladie héréditaire à transmission autosomique récessive, fréquente en Tunisie, caractérisée par une sensibilité pathologique aux ultraviolets, liée à un déficit des systèmes enzymatiques de réparation de l'ADN altérés par les rayons ultraviolets. Se manifeste par la survenue précoce des lésions actiniques : dans les premiers jours de la vie, on note un érythème de la face avec lésions vésiculo-bulleuses des parties découvertes (coup de soleil), apparaissent ensuite des lentigines, de l'atrophie et des télangiectasies réalisant un état poïkilodermique. Sur ce fond se greffent vers l'âge de 5-6 ans des lésions kératosiques, pseudoangiomateuses et papillomateuses avec ectropion des paupières et photophobie marquée. Apparaissent ensuite des épithéliomas spino et basocellulaires. Le pronostic du xéroderma pigmentosum est sombres, la mort survenant généralement dans le bas âge, avant 20 ans. Il existe une forme dite xéroderma pigmentosum variant ou "xérodermoïde" chez le sujet plus âgé et qui s'exprime par des signes de photosensibilisation et l'apparition de cancers de façon plus tardive.

Conduite à tenir : devant un xéroderma pigmentosum : photo protection rigoureuse. Destruction des lésions tumorales dès leur apparition. Le traitement préventif des cancers par la prescription des rétinoïdes systémiques est discuté.

B.2. Albinisme :

Réalise une leucodermie généralisée se transmettant sous le mode autosomique récessif. S'associent à cette leucodermie des manifestations oculaires (iris translucide, photophobie, nystagmus, baisse de l'acuité visuelle). Il existe deux types d'albinisme : albinisme oculo-cutané (A.O.C.) tyrosinase (+) dans lequel les mélanocytes conservent la possibilité de former la mélanine en présence de tyrosine et l'A.O.C. tyrosinase (-) dans lequel les mélanocytes ont perdu la capacité de former la Mélanine. Les albinos sont très sensibles à la lumière solaire, inaptes au bronzage et font de multiples cancers cutanés particulièrement des carcinomes.

B.3. Epidermodysplasie verruciforme :

Génodermoatose à transmission autosomique récessive caractérisée par une infection cutanée à HPV chronique. L'examen retrouve une profusion de multiples lésions papuleuses à type de verrues planes dans lesquelles on a décelé des papilloma virus particulièrement les types 5 et 8. Ces lésions évoluent vers la transformation en carcinomes cutanés.

B.4. Naevomatose baso-cellulaire :

Maladie dysembryoplasique à transmission autosomique dominante. Associe : (1) des naevus baso-cellulaires, petites tumeurs intéressant particulièrement la face, (2) des lésions palmo-plantaires à type de petites dépressions ponctiformes, (3) des kystes mandibulaires. Les naevus se multiplient à partir de la puberté et se transforment à l'âge adulte en épithélioma baso-cellulaire à type d'ulcus rodens d'où l'indication de leur excision chirurgicale ou de leur destruction par électrocoagulation et curetage dès leur apparition.

B.5. Naevus sébacé du cuir chevelu :

Petite plaque alopécique présente à la naissance ou apparaît plus tardivement. Devient plus tard rugueuse, mamelonnée et à l'âge adulte des tumeurs bénignes ou malignes apparaissent à sa surface dans 1/3 des cas environ d'où l'indication de son excision chirurgicale avant l'apparition des complications.

B.6. Les lésions cicatricielles :

Cicatrices de brûlure, de lupus érythémateux, de lupus tuberculeux, de radiations ionisantes ou post-traumatiques.

B.7. Les facteurs chimiques :

L'arsénicisme d'origine médicamenteuse, professionnelle, ou alimentaire ainsi que les goudrons sont à l'origine de kératoses qui se transforment après plusieurs années d'évolution en cancers cutanés (surtout spino-cellulaires).

B.8. Les processus ulcéreux chroniques :

Ulcères de jambe, ostéomyélite chronique, lichen érosif, herpès récidivant ...peuvent également être le lit du cancer.

II. CARCINOMES BASO-CELLULAIRES (carcinomes B.C.)

Tumeurs malignes cutanées les plus fréquentes. Se voient à partir de l'âge de 40 ans mais on peut les rencontrer chez le sujet jeune. Siègent dans 8O % des cas sur le visage : angle interne de l'œil, sillon naso-génien nez, front, tempes. N'atteignent jamais les muqueuses, ne métastasent presque jamais. Plusieurs types cliniques ont été décrits :

1. Le carcinome plan cicatriciel :

Commence par une petite lésion papuleuse, translucide, finement télangiectasique qui s'étale progressivement et prend l'aspect d'une plaque à centre cicatriciel blanchâtre et télangiectasique ou exulcéré recouvert de petites croûtelles hémorragiques, et à bordure infiltrée, perlée. Cette petite plaque ne s'accompagne pas d'adénopathies.

2. Le carcinome baso-cellulaire ulcéreux :

S'exprime par une ulcération avec ou sans bordure nette (ulcus Rodens) pouvant provoquer de gros dégâts anatomiques : atteinte des nerfs et des vaisseaux à l'origine de douleurs et d'hémorragies.

3. Le carcinome baso-cellulaire nodulaire :

Caractérisé par un ou plusieurs petits nodules, saillants, globuleux, de teinte cireuse, translucide, ambrée, la surface est lisse et parfois parsemée de fines télangiectasies.

4. Le carcinome baso-cellulaire bourgeonnant et végétant :

De teinte rouge foncé, saignant facilement, peut prêter à confusion avec l'épithélioma spino-cellulaire.

5. Les carcinomes baso-cellulaires superficiels :

Siègent surtout sur le tronc (dos, abdomen), n'ont pas tendance à l'infiltration et à l'extension en profondeur. Les éléments sont parfois nombreux.

La forme pagétoïde se présente comme une nappe rosée recouverte de squamules et pouvant s'étendre sur une grande surface 10 à 30 cm parfois. Le caractère filiforme de sa bordure avec parfois un aspect tatoué ou cerné de perles facilite le diagnostic.

La forme érythémateuse ressemble au lupus érythémateux ou simule un psoriasis ou une parakératose. La présence de perles sur sa bordure facilite le diagnostic.

6. Le carcinome baso-cellulaire sclérodermiforme ou morphéiforme :

Se manifeste par une plaque scléreuse de couleur blanc cireux ou blanc jaunâtre sans limites nettes, parsemée parfois de petits nodules et de fines télangiectasies. Le caractère perlé de la bordure fait souvent défaut.

7. Le carcinome baso-cellulaire pigmenté (Tatoué)

Cette forme n'a en principe pas droit à l'individualisation puisque la plupart des épithéliomas baso-cellulaires sont en fait pigmentés. On réserve cependant cette forme aux cas où la quantité de pigment est très importante et donne aux lésions un aspect noir qui doit les faire distinguer des mélanomes malins diagnostic différentiel très important à faire, mais aussi de certaines verrues séborrhéiques.

Traitement des carcinomes baso-cellulaires :

Le traitement des carcinomes baso-cellulaires tient compte de plusieurs

facteurs : age du malade, type de la tumeur, aspect, taille, topographie... On dispose de plusieurs moyens thérapeutiques : électrocoagulation, chirurgie, cryothérapie, radiothérapie et chimiothérapie locale. La décision quant à la technique utilisée nécessite parfois la concertation de plusieurs spécialistes, l'excision chirurgicale est cependant la plus utilisée. Les résultats thérapeutiques sont généralement excellents.

III. CARCINOMES SPINO-CELLULAIRES

Se voient chez les sujets âgés (50-60 ans). Les carcinomes spino-cellulaires ont une évolution rapide, un pouvoir envahissant local, régional et général important. Les métastases se font par voie lymphatique ou sanguine.

Ils se développent souvent sur des lésions précancéreuses particulièrement les kératoses séniles, la radiodermite, les cicatrices de brûlure et de lupus. Peuvent se localiser sur n'importe quelle zone des téguments, particulièrement sur les muqueuses (lèvre inférieure), le cuir chevelu, le pavillon de l'oreille, les extrémités : mains, pieds, avant-bras, poignets, organes génitaux.

L'aspect clinique est celui d'une tumeur plus ou moins globuleuse, régulière ou bosselée, végétante ou ulcéro-végétante, la pression des bords de l'ulcération fait apparaître des grains blanc-jaunâtres qu'on appelle les vermiottes. Les carcinomes spino-cellulaires des muqueuses ont un pronostic plus méchant car leur pouvoir métastasant est plus important.

Traitement : l'exérèse chirurgicale large doit être pratiquée le plus tôt possible avant les métastases. La radiothérapie est réservée au sujet âgé à état général déficient. La chimiothérapie s'adresse surtout aux formes métastatiques (Métastases généralisées).

IV. MALADIE DE PAGET

Intéresse l'aréole mammaire mais peut se voir dans d'autres localisations ; vulve, régions périnéo-anales.

Au niveau du sein, elle se manifeste dans la région mamelonnaire par une plaque bien limitée érythémato-squameuse, croûteuse érosive par endroits avec disparition progressive du relief du mamelon. Cette lésion ne doit pas être confondue avec un eczéma. La maladie de Paget du sein doit faire rechercher un cancer intra-galactophorique. Le diagnostic est confirmé par l'examen anatomo-pathologique qui montre dans l'épiderme la présence de grandes cellules à cytoplasme abondant et clair (cellules de Paget). Le traitement est le plus souvent chirurgical emportant en même temps le cancer sous-jacent. Si celui-ci ne peut être retrouvé, certains se contentent d'une chimio-radiothérapie.

V. Maladie de Bowen :

S'observe sur n'importe quel point du tégument chez l'adulte et le sujet âgé. Sur la peau : elle réalise des lésions discoïdes lenticulaires, saillantes mais aplaties de taille variable uniques ou multiples, groupées ou disséminées. Il s'agit d'un épithélioma in situ. Sur le gland, elle réalise une érythroplasie c'est à dire une tache rouge vif persistante d'extension lente. Au niveau de la région vulvaire, la maladie de Bowen s'exprime par une tache érythroplasique ou leucoplasique ou par des lésions discoïdes classiques et doit faire rechercher un cancer profond. L'évolution de la maladie de Bowen est lente, s'étalant sur plusieurs années et la transformation se fait vers Le carcinome spino-cellulaire.

Traitement : excision chirurgicale ou électrocoagulation..

VI. TUMEURS MESENCHYMATEUSES MALIGNES

1.Le fibrosarcome vrai

C'est une tumeur maligne rare, se voit à tout âge, prend naissance dans le derme, dans les couches sous-cutanées ou même dans les aponévroses et les cloisons-conjonctivo-vasculaires auxquels cas il représente l'extension à la peau d'un sarcome profond. Le diagnostic clinique est difficile car la tumeur peut simuler n'importe quelle tumeur bénigne. L'évolution est variable pouvant être très lente ou rapidement envahissante avec destructions locales et métastases par voie sanguine. Le traitement est avant tout chirurgical, la radiothérapie seule est inefficace.

2. Le dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand

(Dermatofibrosarcome protubérant)

Se voit chez l'adulte jeune mais aussi chez l'enfant, siège particulièrement dans la région péri-ombilicale et sus-pubienne, mais aussi sur les épaules, le dos, plus rarement ailleurs (membres, cuir chevelu, visage). La tumeur apparaît généralement sur peau saine, parfois sur des cicatrices de traumatismes ou de brûlure. Le début se fait soit sous forme d'un petit nodule pouvant être pris facilement pour un histiocytofibrome, avec parfois d'autres éléments satellites ; ailleurs c'est une plaque fibreuse d'aspect sclérodermique sur laquelle apparaissent des nodules. Ces nodules confluent, fusionnent et réalisent une tumeur globuleuse, saillante, polylobée, maronnée, la peau qui la recouvre est lisse, brillante, amincies, atrophique, très bien limitée, parfaitement mobile sur les plans profonds. L'évolution se fait sur plusieurs années sans métastases, sans signes fonctionnels. La tumeur finit à la longue par s'ulcérer, devenir douloureuse et hémorragique et refoule les tissus avoisinants en surface mais aussi en profondeur. Malgré l'aspect inquiétant, le fibrosarcome de Darier Ferrand garde une malignité locale, ne métastase qu'exceptionnellement.

Le traitement est chirurgical, il consiste en une excision large, allant à 3 ou 4 cm de marge de peau saine avec résection de l'aponévrose sous-jacente. Les récidives ne sont pas exclues.

VII. LES MELANOMES

A/NTRODUCTION
Les mélanomes sont des tumeurs malignes développées à partir des mélanocytes épidermiques ou des naevocytes accumulés à la JDE et dans le derme formant les naevus naevo-cellulaire.C'est le cancer qui a le plus grand potentiel métastasiant : quelques mm de tumeur peuvent être à l'origine d'un envahissement métastatique majeur.

Malgré la multiplicité des formes anatomo-clinique, un diagnostic précoce est possible et souhaitable et doit être suspecté devant toute lésion pigmentée. C'est en effet, à ce stade de début que la guérison peut être obtenue grâce au traitement chirurgical. Tout l'effort est donc actuellement centré sur la prévention.

En Tunisie, le mélanome présente un profil épidémiologique différent avec des caractéristiques anatomo-cliniques particulières.

Il est relativement rare par rapport aux carcinomes en Tunisie, très fréquent en Europe et à travers le monde. Il est favorisé par l'ensoleillement, son incidence est en nette augmentation. Exceptionnel chez l'enfant, les mélanomes se voient surtout chez les sujets entre 4O et 6O ans sans prédilection de sexe.

B/ Signes de début précoce :

Toute tache pigmentée récemment acquise ou préexistante qui attire l'attention du patient lui même, de son entourage ou de son médecin, du fait de son changement de taille, de couleur ou de contour doit être considérée comme suspecte et enlevé avec examen anapath : règle de l'ABCD

A : asymétrie

B : bords irréguliers

C : Couleur polychrome inhomogène

D : diamètre élargie

C/ Aspects anatomo-cliniques des mélanomes :

1- Le mélanome nodulaire :

15 à 30 % en Europe, 50 % en Tunisie.

Il s'observe à tout âge avec une prédilection pour l'adulte d'âge mur (50-60 ans).

II est plus fréquent chez l'homme que chez la femme.

Il siège sur le tronc, la tête et le cou, plutôt la face et les pied en Tunisie.

Il survient le plus souvent de novo.

Il se manifeste sous la forme d'une lésion nodulaire polypoïde bleu-noirâtre, de taille variable, parfois souligné par un halo pigmentaire,

5 % de MN sont dépourvus de pigmentation : MN achromique.

Sa croissance est rapide, donnant en quelques mois une lésion tumorale polypoïde. L'ulcération spontanée aggrave le pronostic.

Histologiquement, le mélanome nodulaire correspond à la sélection d'emblée d'un clone agressif de cellules mélanocytaires tumorales qui prolifèrent à la JDE et envahissent le derme en profondeur.

L'activité jonctionnelle reste très localisée au-dessus de la tumeur dermique sans former de composante latérale intra-épidermique.

2. Le mélanome à extension Superficiel : SSM

C'est la forme la plus fréquente en Europe et USA 60-70 % (10 % en Tunisie). Il touche surtout l'adulte jeune (20-30 ans), siégeant volontiers sur les jambes des femme ou le tronc chez l'homme. La lésion est constituée par une tache mélanique dont la couleur varie du brun au noir avec des zones plus claires et des nuances du rouge au bleu. Cette formation plane ou légèrement surélevée parfois hyperkératosique à bords polycyclique s'étend horizontalement jusqu'à atteindre .plusieurs Cm de diamètre.

Le SSM peut avoir une tendance à la régression spontanée : des plages plus claires apparaissent au sein des zones pigmentées, cette régression peut, en de rares cas, être totale.

Après la phase horizontale de croissance qui s'étale sur plusieurs mois voire plusieurs années ( jusqu'à 7 ans), le SSM entame sa phase verticale d'invasion en profondeur caractérisé par un nodule qui fait saillie et qui peut suinter ou saigner.

Histologiquement, il correspond à la prolifération de cellules tumorales à cytoplasme clair et abondant rappelant la structure de la cellule de PAGET. Ces cellules pagétoïdes se disposent très rapidement en nids, envahissant et dissociant l'épiderme qui est le plus souvent acanthosiques.

Après cette phase de croissance horizontale, s'observe un envahissement de derme. La composante tumorale intra épidermique latérale atteint au moins 3 crêtes épidermiques adjacente à la tumeur invasive.

3. Lentigo malin LMM ou mélanome sur mélanose précancéreuse de Dubreuil :

5 à 10 % des cas.Apanage des personnes âgées. Il survient à partir de la cinquantaine. Il touche plus souvent la femme et apparaît électivement sur la face (région temporo-malaire) ou il est associé à des lésions actiniques (kératose et élastose). Il est exceptionnel sur le dos des mains, avant-bras ou jambe.

Débute par une tache brune à type de lentigo solaire qui s'étend progressivement avec les années pour atteindre plus de 6 cm de diamètre et former une plaque aux bords irréguliers déchiquetés, de couleur polychrome variant du brun clair au noir très foncé avec des zones achromiques de régression.

Après 10 ans en moyenne, peuvent survenir chez environ 5 % des personnes, des nodules traduisant l'infiltration en profondeur. Ce sont des formations infiltrées voire nodulaires et tumorales pigmentées ou non et qui peuvent suinter ou saigner.

Il se caractérise histologiquement par une prolifération importante de mélanocytes volumineux atypiques restant cantonnés à la base épidermique ou il se dispose de manière irrégulière.

La survenue d'une invasion dermique par des mélanocytes pléomorphes, très atypiques souvent fusiformes, signe l'apparition de mélanome.

L'épiderme est atrophique et le derme est le siège d'une élastose actinique, surcharge pigmentaire : grosse motte charbonneuse.

4. Le mélanome acral lentigineux : ALM

Mélanome des extrémités, rare 2 à 8 % en Europe et USA. Plus fréquent chez la race noire et les orientaux, Japon 30 à 60 %. En Tunisie, environ 30 % des cas. Age moyen est de 50 à 60 ans. Il siège au niveau de la région palmo-plantaire, sur le lit et le pourtour de l'ongle.

Il représente 50 % des mélanome du pied. Il débute par une macule brun-noir qui forme en quelques mois ou années une plaque pigmentée de 2 à 3 cm, aux bords déchiquetés avec des plages achromiques. Plus tardivement, apparaissent sur la tache soit un nodule soit une ulcération.

Autour de l'ongle c'est le panaris mélanique de Hutchinson qui peut débuter par une coloration noirâtre, longitudinale de la tablette unguéale : mélanonychie.

Sur le plan histologique : il présente deux caractéristiques :

- la présence de mélanocytes atypiques à très long dendrite

- et un épiderme papillomateux acanthosique et hyperkératosique caractéristique des extrémités.

Il comporte comme le LMM et le SSM une évolution biphasique d'abord intra-épidermique horizontale puis dermique verticale. La composante tumorale intra-épidermique latérale atteignant au moins 3 crêtes épidermiques adjacentes à la tumeur invasive.

5. Formes cliniques particulières :

a- Mélanome des muqueuses : rare plus fréquent chez la race noire ou jaune, localisé sur les muqueuses buccales, nasales, œsophagiennes, trachéales et vaginales. Le diagnostic est difficile. Le pronostic est plus sombre.

b- Mélanome achromique : 5 % des MN sont achromiques et ressemblent à un botriomycome ou à un mal perforant quand ils siègent à la plante. Le diagnostic souvent tardif assombrit le pronostic.

c- Mélanome de l'enfant : rare, confusion histologique possible avec le naevus de SPITZ. Survient sur un naevus pigmentaire congénital géant ou sur xeroderma pigmentosum.

d- Mélanome malin révélée par des métastases :

La lésion initiale peut passer inaperçue, soit qu'elle a été enlevée sans examen anatomopathologique, soit qu'elle était inaccessible à l'examen, soit qu'elle a régressé spontanément, et ce sont les métastases cutanées (nodules durs) ou ganglionnaires ou viscérales (foie, poumons, cerveau) qui la révèlent.

D. Diagnostic différentiel :

Se pose avec les tumeurs pigmentées, particulièrement avec :

- les naevus irrités ou enflammés

- le naevus bleu

- l'épithélioma baso-cellulaire tatoué

- la verrue séborrhéique

- les angiomes thrombosés

- la tumeur glomique

- l'histiocytofibrome

Le mélanome malin achromique surtout au niveau du pied doit être distingué du botriomycome et de la verrue. Devant tout doute, il est préférable de faire une exérèse biopsie et de confier la pièce à l'anatomopathologiste qui confirmera ou infirmera le diagnostic.

E. Facteurs de pronostic du Mélanome

Outre, le caractère architectural de la tumeur, le degré d'atypie cellulaire et de l'activité mitotique, deux autres facteurs interviennent d'une façon déterminante dans l'appréciation pronostique du mélanome, ils évaluent tous deux le niveau de l'envahissement cellulaire en profondeur, ce sont : (1) les niveaux de Clark (2) l'indice de Breslow.

1. Niveaux de Clark :

Clark en 1969, a classé l'envahissement cellulaire du mélanome malin en 5 niveaux :

- le niveau I : correspond à l'envahissement épidermique

- le niveau II :à un envahissement du sommet des papilles dermiques

- le niveau III : à l'envahissement de tout le derme papillaire

- le niveau IV : rupture de la barrière réticulaire et envahissement du derme réticulaire

- le niveau V : envahissement du derme profond et de l'hypoderme

Le pronostic du mélanome malin est d'autant plus grave que l'envahissement est plus profond.

2. Indice de Breslow :

Il consiste à mesurer l'épaisseur de la tumeur à l'aide d'un oculaire micrométrique. La biopsie doit être excisionnelle totale et des coupes sériées sont nécessaires. Cet examen a l'avantage d'être facile à réaliser et donne des résultats objectifs. Une tumeur dont l'épaisseur est inférieure à O,75 mm a un bon pronostic. Une tumeur dont l'épaisseur est supérieure à 2 mm est de mauvais pronostic. L'indice de Breslow donne également une idée approximative de l'envahissement ganglionnaire.

F. Traitement

Le mélanome malin sans métastases cliniques doit être traité par chirurgie large. Le curage ganglionnaire systématique n'est pas pratiqué. La mélanose de Dubreuilh doit être traitée avant que n'apparaissent les nodules et l'infiltration en profondeur, auquel cas le pronostic est excellent, ce traitement fait appel à la chirurgie avec une marge de sécurité de 2 cm, ou à la radiothérapie pour les personnes âgées ne supportant pas la chirurgie. Le traitement des mélanomes malins avec métastases fait appel à la chirurgie avec curage ganglionnaire et à la chimiothérapie palliative.

Au total : le mélanome malin est une des tumeurs les plus méchantes de l'organisme, les plus envahissantes et les plus métastasantes. Le traitement doit être entrepris le plus rapidement possible. Il est intéressant d'insister dans ce contexte sur la prévention qui reste possible :

Le pronostic est d'autant meilleur que les mélanomes sont traités aux stades initiaux.

VIII. MALADIE DE KAPOSI

Décrite pour la première fois par Kaposi en 1872. On distingue classiquement quatre formes de la maladie :

MALADIE DE KAPOSI CLASSIQUE

Adulte âgé (Europe Centrale, pourtour méditerranéen, Juif++). Se manifeste par des lésions cutanéo-muqueuses et viscérales.

Atteinte cutanée :

Ces lésions cutanées commencent souvent au niveau des extrémités surtout les membres inférieurs de façon plus ou moins symétrique mais peuvent débuter ailleurs : oreilles, cuir chevelu, voile de palais, langue...

Manifestations extra-cutanées :

- les ganglions de façon spécifique ou non

- squelette : en regard des lésions cutanées ou à distance;

.non spécifique : géode, encoches ou érosions corticales ou

.spécifique : ostéocondensation

- tube digestif : nodule Kaposien ® hémorragie digestive.

Histologie

Double prolifération cellulaire fusiforme et vasculaire avec extravasation d'hématies et dépôt d'hémosiderine. La prolifération cellulaire est d'origine endothéliale associée à des cellules inflammatoires (histiocytes et plasmocytes).

Les cavités vasculaires sont de trois types : simple fente vasculaire, capillaires néoformés ou vaisseaux adultes.

Evolution chronique sur plusieurs années.

Traitement : chirurgie, laser CO2 ou éléctrocoagulation si peu de nodules, chimiothérapie ou radiothérapie.

MALADIE DE KAPOSI AFRICAINE

Se voit chez l'adulte et chez l'enfant. Ce sont des formes agressives, mutilantes d'évolution rapide réalisant des tumeurs ulcéro-végétantes avec envahissement des plans musculaires et osseux, atteintes digestives fréquentes.

Evolution rapidement fatale.

Forme particulière de l'enfant: lymphadénique avec des adénopathies généralisées.

MALADIE DE KAPOSI - SIDA

De pronostic péjoratif, se voit dans 1/3 des cas de SIDA. Les lésions sont plus petites que dans le Kaposi classique, moins violacées, moins nodulaires, très disséminées avec atteinte muqueuse et envahissement ganglionnaire. Il est de très mauvais pronostic. Le traitement fait appel à l'interféron a .

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Remarques et commentaires : Dr DENGUEZLI